À mesure que les voitures électriques gagnent du terrain, une question longtemps repoussée s’impose maintenant aux gouvernements : comment financer l’entretien des routes lorsque les taxes sur les carburants disparaissent ? Testée ou envisagée au Royaume-Uni, en Californie, en Suisse ou en Nouvelle-Zélande, la taxe kilométrique appliquée aux véhicules électriques progresse comme une solution pragmatique. Un sujet encore explosif, mais de moins en moins évitable, qui commence aussi à s’inviter dans le débat français et européen.

La transition vers l’électrique bouleverse un pilier historique des finances publiques. Depuis des décennies, l’entretien du réseau routier repose largement sur les taxes appliquées à l’essence et au diesel. Plus un automobiliste roulait, plus il consommait de carburant, plus il contribuait indirectement à l’infrastructure. Avec la voiture électrique, ce lien disparaît presque totalement.
Chaque véhicule électrique mis en circulation représente ainsi plusieurs centaines d’euros de recettes fiscales en moins chaque année. Tant que l’électrique reste minoritaire, l’effet demeure contenu. Mais avec la chute progressive des ventes de thermiques et les enjeux remaniés et rediscutés en permanence pour l’échéance 2035, le problème devient structurel et oblige les États à revoir leur stratégie.
Fiscalité fragile et pays pilotes
Face à cette érosion programmée des recettes, les gouvernements cherchent un nouveau socle fiscal capable de remplacer les taxes sur les carburants sans remettre en cause la transition énergétique. Faire payer l’usage réel de la route plutôt que l’énergie consommée semble être une direction attrayante. Le principe est simple sur le papier, chaque véhicule contribuerait proportionnellement au nombre de kilomètres parcourus, indépendamment de sa motorisation. Pour les voitures électriques, les montants évoqués tournent généralement autour de 2 à 4 centimes d’euro par kilomètre, soit une contribution annuelle estimée entre 240 et 300 euros pour un conducteur moyen parcourant 12 000 à 15 000 kilomètres.
Le gouvernement britannique prévoit l’introduction d’un “Electric Vehicle Excise Duty” à partir de 2028, avec une taxation kilométrique environ deux fois moins élevée que la fiscalité actuellement supportée par les véhicules thermiques via le carburant. L’objectif étant de maintenir des recettes sans pénaliser brutalement l’électrique. En Californie, la logique est encore plus assumée. L’État teste des projets pilotes de facturation au kilomètre pour les voitures électriques afin de compenser un manque à gagner colossal. Près de 80 % du budget d’entretien des routes californiennes repose sur la taxe sur l’essence.

En France et en Europe, un débat qui monte
En France, aucune taxe kilométrique spécifique aux voitures électriques n’est officiellement actée. Cependant, plusieurs signaux montrent que la réflexion est déjà engagée, notamment avec le projet de taxation des véhicules électriques les plus lourds à partir de 2026. À l’échelle européenne, la question devient incontournable. L’objectif de fin des ventes de véhicules thermiques neufs autour de 2035 oblige les États membres à anticiper un nouveau modèle de financement des routes. Parmi les scénarios étudiés, la taxe au kilomètre apparaît comme l’option la plus crédible pour découpler durablement fiscalité et motorisation.
D’autres pays ont avancé plus discrètement. La Suisse, l’Islande et la Nouvelle-Zélande ont déjà introduit ou expérimenté des dispositifs de redevance kilométrique ou de taxation spécifique pour les véhicules électriques. L’argument central est celui de la neutralité, l’électrification ne doit pas créer de trou dans le financement des infrastructures. Dans ces pays, la taxe kilométrique est présentée non pas comme une sanction contre l’électrique, mais comme la fin progressive d’une exception fiscale jugée temporaire. Elle est appelée à entrer dans un cadre contributif comparable à celui des autres usages de la route.

Des modalités techniques et une équation politique
Reste la question de la mise en œuvre. La solution la plus simple consisterait à relever le kilométrage lors du contrôle technique, puis à facturer la distance parcourue depuis le précédent relevé. Mais cette approche impliquerait probablement d’augmenter la fréquence des contrôles, au risque de renforcer le rejet des automobilistes. Les solutions technologiques, comme l’installation de boîtiers télématiques embarqués, offrent une mesure plus précise mais soulèvent de lourdes inquiétudes. Protection des données, respect de la vie privée et surveillance des déplacements deviennent alors des points de crispation majeurs.
Pour les gouvernements, l’argument reste de garantir un financement stable et pérenne des infrastructures routières et faire en sorte que tous les véhicules contribuent à l’usure du réseau. Pour les usagers, le risque est clair, une taxe kilométrique mal calibrée pourrait casser l’avantage économique de la voiture électrique, déjà plus chère à l’achat, et pénaliser fortement les gros rouleurs. Plus qu’une question de principe, la taxe kilométrique apparaît désormais comme une question de calendrier, d’acceptabilité et de dosage.
Sources : www.capital.fr – Reuters

















