Malgré une offre de plus en plus large et des objectifs climatiques ambitieux, le marché du véhicule électrique reste profondément déséquilibré en Europe. Entre des pays du Nord déjà entrés dans l’ère du tout-électrique et un Sud-Est qui peine à suivre, la transition avance à des rythmes très différents. Un écart qui interroge autant les politiques publiques que la stratégie industrielle européenne.

Une adoption très contrastée selon les régions
À première vue, les ventes de véhicules électriques continuent de progresser en Europe. Mais derrière cette dynamique globale se cache une réalité bien plus fragmentée. Le continent apparaît aujourd’hui divisé entre des marchés arrivés à maturité et d’autres où l’électrique reste marginal. Dans le Nord et l’Ouest de l’Europe, le véhicule électrique s’est imposé comme une alternative crédible, voire dominante. Dans le Sud et l’Est, il reste souvent perçu comme un produit cher, contraignant et réservé à une minorité. Ce fossé structurel s’élargit à mesure que certains pays accélèrent pendant que d’autres stagnent.
La Norvège reste, de loin, le cas le plus spectaculaire. Sur les sept premiers mois de 2025, près de 94 % des nouvelles immatriculations y sont électriques. Un niveau inédit, rendu possible par une politique menée de façon cohérente depuis plus d’une décennie. Subventions généreuses, fiscalité ultra-favorable, avantages à l’usage et réseau de recharge dense ont progressivement fait disparaître les freins à l’adoption. Le pays a par ailleurs utilisé les revenus de son fonds souverain pétrolier pour financer cette transition. L’électrique y est désormais une norme en construction, même si la croissance tend à ralentir à mesure que le marché se stabilise.

Le Sud et l’Est toujours en retard
À l’autre extrémité du spectre, l’Europe du Sud et de l’Est peine à enclencher la dynamique. En Croatie par exemple, les véhicules électriques représentent à peine 1 % des ventes. Un chiffre qui reflète moins un rejet technologique qu’un ensemble de contraintes économiques et pratiques. Le prix d’achat reste le principal obstacle, dans des régions où le pouvoir d’achat est plus limité. À cela s’ajoute un déficit d’infrastructures de recharge, souvent concentrées dans les grandes villes, laissant de vastes territoires peu ou pas couverts.
Ce décalage intervient alors que l’Union européenne revoit partiellement sa copie. Face à une demande moins dynamique qu’anticipé, Bruxelles a commencé à assouplir certains objectifs intermédiaires liés à la fin du thermique en 2035, sous la pression des constructeurs automobiles. Ces derniers plaident pour plus de temps afin d’adapter leurs outils industriels et sécuriser leurs marges. Pour beaucoup d’acteurs, la stabilité réglementaire est indispensable pour accélérer la transition.
Subventions, bornes et bataille industrielle
Là où les États ont massivement investi dans les bornes et proposé des aides lisibles, les parts de marché ont décollé. Ailleurs, l’électrique reste cantonné à des niveaux faibles, souvent limités à quelques pourcents. Un autre facteur complique l’équation : la montée en puissance des constructeurs chinois. Très compétitifs sur les prix, ils profitent indirectement des aides européennes, parfois au détriment des marques locales. L’Europe pourrait cumuler retard technologique et dépendance industrielle. Plus qu’un simple enjeu automobile, le véhicule électrique agit comme un révélateur des fractures économiques et politiques européennes. Sans stratégie plus homogène, la transition risque de renforcer une Europe à deux vitesses, là où elle devait incarner un projet commun.

Sources : www.Reuters.com – www.investing.com – www.globalbankingandfinance.com

















