L’électrification nous amène à revoir notre façon de voir la voiture, que ce soit en termes de consommation, de conduite ou de technologie, mais également de design. Car si une voiture ressemble toujours à une voiture (pour le moment), on note tout de même des différences de plus en plus notables entre les thermiques et les électriques sur ce point.
Au début de l’essor de l’électrique, les constructeurs se contentaient généralement d’apposer un badge bleu ou vert quelque part sur la carrosserie pour faire passer le message que l’auto était électrique, le plus souvent lorsqu’il existait une copie parfaite du modèle en version thermique. Cela permettait de faire quelques économies. Mais depuis quelques années et la création de modèles 100 % électriques, les VE sont de plus en plus reconnaissables et pas seulement grâce au silence de son moteur.
Pas de moteur thermique, plus de liberté
Ce n’est pas un secret, mais un moteur électrique prend beaucoup moins de place qu’un moteur thermique. Il libère ainsi de l’espace sous le capot, certes, mais également sous l’auto : pas de système d’échappement, pas d’embrayage, cela fait de la place. Une fois
cette grosse épine retirée de leurs pieds, les designers peuvent donc réduire la longueur du capot, abaisser l’avant et agrandir l’habitacle. Outre la disparition du bloc moteur, on note également la généralisation de la plateforme « skateboard », châssis plat intégrant les batteries et essieux, qui permet, là encore, grâce à un plancher plat, de gagner de l’espace à l’intérieur tout en allongeant l’empattement sans nuire à l’harmonie des lignes. Le profil
des voitures électriques devient ainsi plus fluide, presque monobloc. On se souvient tous de la première fois que l’on a vu une Tesla Model 3, ce sentiment étrange de savoir que c’est une voiture, mais sans trop s’expliquer pourquoi elle ne nous fait pas la même impression que celle d’à côté…

Une face avant revisitée
Parmi les attributs spécifiques aux voitures thermiques, la calandre est l’un des plus iconiques. Souvent utilisées pour reconnaître une marque ou un modèle, elles ont surtout pour mission de faire entrer de l’air dans le bloc moteur pour le refroidir. Or, une voiture électrique n’a besoin que de peu ou pas du tout d’air. Cette disparition permet aux designers de proposer des faces plus épurées et de s’amuser avec les signatures lumineuses. On l’a vu récemment avec la Hyundai Ioniq 5 et la Renault 5 E-Tech, entre autres, qui assument un style futuriste teinté de numérique.

L’épineuse question de l’aérodynamisme
L’aérodynamique est l’une des raisons pour lesquelles une voiture électrique ressemble encore beaucoup à une voiture thermique : car, si cela fonctionne, il n’y a pas de raison de trop bousculer les codes. Mais reste que l’enjeu de la réduction de la traînée est encore plus crucial pour les VE, car d’elle dépend l’autonomie, peut-être le frein le plus célèbre à l’électrification massive du parc automobile. Ainsi, on trouve, sur les voitures électriques, des lignes plus simples, plus tendues, bref, plus aiguisées. Les poignées sont affleurantes, les jantes pleines et même, sur certains modèles comme la Honda E, les rétroviseurs sont remplacés par des caméras.
Un intérieur à réinventer
L’habitacle bénéficie également du passage à l’électrique. Avec la disparition du “tunnel central”, la disposition des sièges est plus libre, il y a plus d’espace pour les passagers, mais aussi pour l’électronique. Ainsi, plus besoin de tout condenser et, petit à petit, le numérique remplace les commandes physiques et les écrans se font de plus en plus grands. C’est bien évidemment Tesla, pionnier de la voiture électrique, qui a lancé ce mouvement du minimalisme mêlé de tech et de grands volumes. Depuis, c’est devenu la norme pour tous les constructeurs, mais nous ne sommes pas à l’abri de voir débarquer des modèles qui prennent le contrepied de cette tendance et profitent de l’espace offert par l’électrique pour intégrer un maximum de composants dans l’habitacle pour en faire un vrai salon roulant.
Entre nouveaux départs, conservatisme et table rase
Le design automobile, c’est le message le plus lisible envoyé par les marques aux consommateurs. C’est donc, en partie grâce à lui, que l’on en sait plus sur les intentions d’un constructeur concernant ses ambitions électriques. Certains, comme Hyundai, Kia, Renault ou Volvo, entre autres, profitent du passage à l’électrique pour repenser intégralement leur lexique design sans pour autant mettre à la benne plusieurs décennies d’histoire et d’identité visuelle. On reconnaît la griffe, certes, mais on perçoit le changement d’ère. D’autres marques, à l’image de Porsche avec son Taycan, Maserati avec sa Grecale Folgore ou Peugeot avec son e-208, restent très proches de leur héritage design, ce qui leur permet de ne pas trop déstabiliser leur clientèle. Les changements se font donc petit à petit, d’abord dans l’habitacle puis, au fur et à mesure des restylages, sur la carrosserie. Un dilemme qui ne concerne que les constructeurs historiques ! En effet, les nouveaux géants chinois sont partis d’une feuille blanche et, sans le poids d’une identité visuelle trop forte sur leurs épaules, ils ont pu se lâcher côté design et créer de nouveaux codes. Xpeng et sa signature lumineuse ultra-fine, BYD et sa face avant de squale, Nio et ses lignes pures, on assiste à une petite révolution. Un grand écart que ne peuvent pas forcément se permettre les constructeurs les plus installés… Preuve en est l’exemple récent de Jaguar et le tollé soulevé par la présentation de sa très radicale Type 00.

En bref, le design automobile a toujours été une question d’équilibre, que ce soit celui des lignes ou celui des volumes, mais s’ajoute également un équilibre marketing à respecter pour les marques qui devront profiter de la liberté offerte par l’électrique, mais sans choquer une clientèle très habituée au design classique et ancré dans l’imaginaire collectif depuis un siècle…