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ExpertisesPublié le 07/07/2025
6 min

La France face au défi du recyclage des batteries

Alors que les voitures électriques sont de plus en plus nombreuses sur nos routes, une autre révolution, plus discrète, est en marche : celle du recyclage des batteries.

En France, constructeurs, start-up et collectivités s’organisent pour donner une seconde vie aux composants et aux batteries. Mais entre ambitions industrielles et réalités du terrain, la filière du recyclage avance encore en terrain miné.

Une fin de vie sous tension

Depuis quelques années, le paysage automobile français change de visage. Les voitures thermiques cèdent progressivement la place à leurs cousines électriques. Un choix dicté par des impératifs climatiques, des incitations gouvernementales et la volonté des constructeurs de verdir leur image. Mais une question demeure : que deviennent ces véhicules une fois leur vie terminée ? En 2035, la vente des voitures neuves à essence ou diesel sera interdite dans l’Union européenne. D’ici là, les véhicules électriques seront devenus la norme. Et avec eux, des montagnes de batteries à traiter. Car il ne suffit pas de rouler propre : encore faut-il recycler proprement pour éviter de déplacer simplement le problème.

Recycler une voiture électrique : possible ?

Contrairement aux idées reçues, les voitures électriques ne sont pas plus difficiles à recycler que les thermiques. Certaines pièces sont même plus simples à extraire : moins de fluide, pas de système d’échappement, moteurs compacts. Ce qui change, c’est la nature des matériaux et la complexité électronique. À Flins, dans les Yvelines, l’usine Refactory de Renault fait figure de pionnière. Un site dédié à l’économie circulaire. Objectif : encourager l’innovation et contribuer à l’ambition de neutralité carbone sur les sites industriels européens d’ici à 2030.

Des véhicules usagés y sont démontés à la chaîne. Le cuivre, l’aluminium, les composants électroniques sont triés avec soin. Même les plastiques peuvent être recyclés. Mais la pièce maîtresse, c’est la batterie lithium-ion. Lourde, complexe, inflammable, mais pleine de ressources : cobalt, lithium, nickel, manganèse.

Le défi du recyclage des batteries : entre extraction et renaissance

Une batterie peut peser jusqu’à 500 kilos. Et au bout de 8 à 10 ans, elle est souvent en fin de parcours pour un usage automobile : moins de puissance, moins d’autonomie. On estime qu’elle n’a alors plus que 75 % de sa capacité initiale. Pourtant, elle n’est pas morte. Le recyclage redonne de la valeur aux matériaux, mais l’opération reste lourde, coûteuse, exigeante. L’économie circulaire pousse donc à retarder cette échéance en prolongeant la vie utile de la batterie.

Plusieurs acteurs français s’y emploient. Carwatt, Mob-Ion, ou The Mobility House misent sur le stockage stationnaire. On réutilise les modules valides pour alimenter maisons, bâtiments publics ou installations photovoltaïques. Cette “seconde vie” séduit de plus en plus de collectivités. À Belle-Île-en-Mer, une école utilise des batteries de Renault Zoe pour stocker l’énergie solaire. Résultat : une énergie propre disponible la nuit. Et pour les batteries, une nouvelle vie de cinq ans, utile, loin des routes.

Le recyclage des batteries, filière en construction

Mais cette économie circulaire reste complexe : les batteries varient en format, chimie, électronique. Les industriels doivent développer des chaînes de tri quasi sur mesure, coûteuses et peu standardisées. Autre difficulté : l’absence de réglementation européenne homogène. En France, la filière s’organise avec l’ADEME (agence de la transition écologique) et le ministère de la Transition écologique. Mais l’harmonisation tarde. Il faudrait des normes communes : démontage, traçabilité, réutilisation des modules.

Des projets émergent. La startup Verkor, soutenue par l’État, va inaugurer une giga-usine de batteries recyclables à Dunkerque, avec une production prévue pour début 2026. Renault mise sur le « Battery Passport », un passeport numérique pour suivre l’historique d’une batterie sur toute sa durée de vie.

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Crédit : Verkor

Recycler, oui… mais aussi réduire et repenser

Le recyclage des batteries est indispensable, mais il ne peut suffire. Même bien gérées, les batteries usagées resteront un déchet complexe. Il faut donc concevoir des véhicules plus sobres. Un petit véhicule avec une petite batterie pollue moins qu’un SUV électrique. Selon Diane Strauss, du Haut Conseil pour le Climat et Directrice France de l’ONG Transport & Environnement : “l’orientation de la production vers des voitures électriques plus petites est la principale mesure que nous pouvons adopter pour réduire notre consommation de matières premières pour les batteries.“

L’optimisation des matériaux, l’allongement de la durée de vie des batteries ou l’échange standard sont aussi des pistes. Autre solution : la mutualisation. Dans plusieurs villes (Le Mans, Allons, Villerouge-Termenès, Grenoble…), des réseaux de partage de véhicules électriques entre habitants permettent de maximiser l’usage d’un même parc. Moins de voitures produites, donc moins de batteries à recycler.

Demain, une véritable économie circulaire ?

La voiture électrique n’est pas une baguette magique. Mais bien pensée, bien recyclée, elle peut faire partie de la solution. En France, la filière avance, portée par l’urgence écologique. Des industriels aux collectivités, en passant par les start-up, nombreux sont ceux qui œuvrent à une véritable économie circulaire. Cela suppose une coopération renforcée. D’abord entre constructeurs pour tendre vers une standardisation des batteries. Ensuite entre États pour harmoniser les normes européennes. Enfin, entre tous les maillons de la chaîne, pour partager innovations et données.

Mais au-delà de la technique, c’est un changement de regard qui s’impose. Le véhicule électrique ne doit plus être perçu comme un simple objet de consommation. La logique circulaire invite à le voir comme un assemblage de matières aux multiples vies. Cela implique des véhicules plus sobres, réparables, démontables, avec des batteries remplaçables. Les usines du futur seront sans doute des plateformes hybrides : fabrication, réparation, réutilisation. À Flins ou Dunkerque, ce modèle se profile déjà. Pour que cette économie circulaire se généralise, elle devra convaincre le citoyen. Car tout ne repose pas sur l’industrie : le comportement des usagers est essentiel. Choisir un modèle plus léger, accepter une voiture d’occasion reconditionnée, partager un véhicule… autant de gestes qui comptent.

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Crédit : Renault Group

Enfin, cette transition pose la question de la souveraineté. Revaloriser nos batteries, maîtriser les flux de matières, relocaliser certaines productions : autant de leviers pour gagner en indépendance et en résilience. En d’autres termes, offrir une seconde vie aux batteries n’est ni un simple pari technologique ni un verdissement de façade. C’est un pilier de l’avenir électrique. Et si l’on veut que la transition vers l’électrique tienne ses promesses, il faut s’en préoccuper dès maintenant — avant que les roues ne cessent de tourner.

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