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BrésilPublié le 20/12/2025
8 min

Brésil : le géant de l’électromobilité en Amérique latine

En quelques années, le Brésil est passé du statut de marché de niche à celui de moteur de l’électromobilité pour l’Amérique latine. Porté par une explosion des ventes de véhicules électrifiés, une politique industrielle offensive et l’arrivée massive d’acteurs chinois, le pays accélère sa transition, même si le thermique reste ultra-dominant et que plusieurs freins structurels persistent.

Un parc qui s’électrifie à grande vitesse

La dynamique brésilienne ne se lit vraiment qu’en regardant les chiffres de ces dernières années. Et en effet, en 2020, les véhicules électriques restaient anecdotiques dans un marché dominé par les motorisations thermique. Quatre ans plus tard, le paysage a radicalement changé.

Selon l’ABVE et différentes analyses de marché, les ventes de véhicules « plug-in » (100% électriques et hybrides rechargeables) sont passées d’environ 19 300 unités en 2023 à 61 600 en 2024, soit une progression de plus de 200% en un an. 

Si l’on élargit à l’ensemble des véhicules électrifiés, les études de marché estiment que le total dépasse largement les 150 000 unités sur l’année et cette tendance ne faiblit pas en 2025. La part de marché des véhicules électrifiés atteint environ 4% des immatriculations neuves au cumul janvier–novembre, dans un marché global d’environ 2,5 à 2,7 millions de véhicules. 

Certains mois de 2025 ont battu des records, avec plus de 24 000 véhicules électrifiés vendus (BEV + PHEV + HEV) sur un seul mois, c’est un signe clair qui montre que l’électrique se démocratise au Brésil même si le thermique reste ultra-dominateur. 

BYD, GWM et les autres : un marché dominé par les Chinois

S’il est un fait marquant de l’électromobilité brésilienne, c’est le rôle central des marques chinoises, loin devant les constructeurs historiques.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • En 2024, BYD et GWM (Great Wall Motor) captent ensemble 81,6% des ventes de véhicules électriques rechargeables (BEV + PHEV) au Brésil
  • BYD occupe à lui seul environ 70% du marché BEV et plus de 50% du marché PHEV, confirmant une domination quasi hégémonique sur les modèles branchés. 
  • En mai 2025, les ventes de BEV atteignent un record mensuel : BYD représente plus de 80% des immatriculations 100% électriques, loin devant Volvo et GWM. 

Comme en témoigne ce tableau, les constructeurs chinois dominent le classement des véhicules 100 % électriques les plus vendus au Brésil même si Volvo parvient à se démarquer : 

Un réseau de recharge en rattrapage accéléré 

Afin de poursuivre le développement et la démocratisation des VE, le développement des infrastructures de recharge est primordial. Même s’ il part de loin, le système de recharge de véhicules électrifiés brésilien, suit la courbe d’adoption des véhicules.

En 2019, le Brésil ne comptait que quelques centaines de points de charge publics ; aujourd’hui, le pays s’est doté d’un maillage qui, sans être encore homogène, commence à couvrir ses principaux axes. En effet Une analyse de la croissance de l’infrastructure indique qu’à l’été 2025, près de 17 000 points de charge d’accès général ou restreint, couvrant plus de 1 500 municipalités, ce qui montre l’extension progressive de l’infrastructure au-delà des seules capitales d’États. 

Les chiffres sont révélateurs d’une tendance claire : le maillage brésilien s’épaissit rapidement, en particulier sur les grands axes autoroutiers qui relient São Paulo, Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Curitiba et le Sud du pays. Mais également dans les zones urbaines denses où se concentrent les premiers adoptants et les flottes professionnelles (VTC, livraison, services). 

Les projections sectorielles estiment qu’il faudra au moins 150 000 bornes à horizon 2035 pour accompagner un parc d’environ 3 millions de véhicules électriques, ce qui impose un rythme d’investissement soutenu dans la décennie à venir.

Une politique industrielle offensive : MOVER et la fiscalité

Évidemment, comme dans chaque pays ayant une volonté claire de progresser en termes d’électromobilité, le gouvernement a mis en place des mesures et des aides pour accompagner et aider ce changement.

L’un des tournants majeurs de l’électromobilité brésilienne est l’entrée en vigueur du programme MOVER (Programme National de Mobilité Verte et d’Innovation). Lancé en 2024 dans le cadre de la politique industrielle du gouvernement de Lula, ce dispositif vise à moderniser le secteur automobile autour de critères climatiques et d’innovation.

  • MOVER introduit un système de bonus-malus sur l’IPI (taxe sur les produits industrialisés), qui favorise les véhicules à faibles émissions et pénalise les modèles les plus polluants. 
  • Il met en oeuvre des incitations financières directes sur la réductions du prix d’achat d’un véhicules électrifiés 
  • Il prévoit environ 19,3 milliards de reals (près de 4 milliards d’euros) d’incitations à l’innovation entre 2024 et 2028, orientées vers la R&D, l’électrification, l’efficacité énergétique et l’utilisation de matériaux recyclés. 
  • Le programme impose également une meilleure comptabilité carbone sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules, avec des exigences croissantes en matière de recyclabilité et de contenu recyclé. 

Résultat : les constructeurs du monde entier ont annoncé plus de 23 milliards d’euros d’investissements au Brésil dans les prochaines années, dont plusieurs projets directement liés à l’électromobilité.

Sur le volet commercial, la politique douanière s’est durcie dans le but de réguler les importations et encourager les productions sur le territoire :

  • Après une période de droits d’importation réduits pour lancer le marché, le gouvernement a décidé de remonter progressivement les tarifs sur les véhicules électriques importés (BEV, PHEV, HEV) pour converger vers le plafond de 35% qui est le taux maximal autorisé par les règles du MERCOSUR (le marché commun sud-américain).
  • Cette trajectoire vise clairement à inciter les constructeurs, notamment BYD et GWM, à localiser une partie de leur production au Brésil afin de conserver leur compétitivité prix. 

Source: BYD

Et le résultat de tous ces efforts pour valoriser le made in Brésil, il est percutant et efficace. BYD prévoit de transformer l’ancienne usine Ford de Camaçari (Bahia) en pôle de production de véhicules électriques et de batteries, tandis que GWM investit dans l’assemblage local de modèles hybrides et électriques dans l’État de São Paulo. Volkswagen et Stellantis ont également annoncé des enveloppes dédiées à l’électrification progressive de leurs gammes produites localement.

WEG, Tupi Mob et un écosystème local en structuration

Si les véhicules électriques vendus au Brésil proviennent encore majoritairement de Chine, l’infrastructure et les services de recharge voient émerger des acteurs nationaux.

Le cas le plus emblématique est celui de WEG, géant industriel originaire de l’État de Santa Catarina. Historiquement reconnu pour ses moteurs électriques et ses systèmes d’automatisation industrielle, WEG a progressivement étendu son expertise vers l’électromobilité, en développant une offre complète de solutions de recharge : chargeurs domestiques, bornes publiques en courant continu et outils de gestion énergétique.

En octobre 2025, WEG a annoncé l’acquisition de 54 % de Tupinambá Energia (Tupi Mob), entreprise qui opère l’une des principales plateformes de recharge du pays. Désormais, le groupe brésilien est un fournisseur d’équipements, mais aussi et surtout un acteur de l’écosystème de la recharge.

Grâce à cette acquisition, WEG combine désormais le matériel, le logiciel et les services de gestion de réseaux ou de flottes, un positionnement encore rare au Brésil. Le groupe entend être l’un des pilotes de la transition énergétique des transports.

Source : WEG

Autour de ce pôle, d’autres acteurs se développent : 

  • Des énergéticiens comme Raízen s’engagent dans le déploiement de flottes électriques avec notamment un partenariat visant l’intégration de 20 000 véhicules électriques dans la flotte du service de VTC 99 d’ici fin 2025. 
  • Des opérateurs privés, foncières et gestionnaires d’infrastructures développent des réseaux de bornes dans les parkings, centres commerciaux et stations-service, en capitalisant sur l’arrivée massive de modèles chinois et l’intérêt croissant des flottes professionnelles.

Des freins persistants à l’adoption de masse

Malgré cette dynamique, le Brésil reste loin d’une électromobilité majoritaire. Et pour cause, de nombreux freins compliquent le passage à l’échelle.

  • Prix d’achat encore élevé : même si les modèles chinois tirent les prix vers le bas, l’écart avec un véhicule thermique reste important pour une large partie de la population, surtout dans un marché très sensible. 
  • Taux d’intérêt et pouvoir d’achat : le financement auto repose largement sur le crédit. Les taux élevés et un pouvoir d’achat sous tension rendent plus difficile l’accès à des véhicules récents, surtout électriques. 
  • Infrastructures inégales : les grandes métropoles bénéficient d’une densité croissante de bornes, mais une grande partie du territoire reste peu équipée, ce qui alimente l’« anxiété d’autonomie » pour les trajets interurbains et les usages professionnels en dehors des grands axes. 
  • Réseau électrique et fiabilité : même si le mix brésilien est largement décarboné grâce à l’hydroélectricité, certaines régions souffrent de contraintes de capacité et de fiabilité du réseau, ce qui complique le déploiement de la recharge rapide à grande échelle. 

Un grand territoire en transition, mais encore en rodage

Le Brésil s’affirme comme l’un des laboratoires les plus intéressants de l’électromobilité mondiale : politique industrielle assumée, marché de masse, poids du flex‑fuel (éthanol), offensive chinoise et émergence d’acteurs locaux sur la recharge. Les chiffres montrent un décollage réel et palpable mais la part de marché reste encore modeste à l’échelle du parc national.

Le Brésil a posé les bases pour devenir un pilier régional de la mobilité électrique. Reste désormais à transformer l’essai : accélérer la baisse des coûts, densifier le maillage de bornes hors des grandes métropoles et lever les freins culturels et financiers qui séparent encore le pays d’une électromobilité véritablement grand public.

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