publicité
ExpertisesPublié le 16/07/2025
5 min

La recharge bidirectionnelle : quand la voiture devient productrice d’électricité

Longtemps cantonnée à son rôle de moyen de transport, la voiture électrique s’émancipe. Désormais, elle peut aussi… alimenter une maison, un appareil, voire contribuer à stabiliser le réseau électrique. En cause : la montée en puissance d’une technologie encore méconnue, mais prometteuse — la recharge bidirectionnelle. Une innovation qui pourrait bien transformer chaque voiture électrique en maillon actif de notre transition énergétique.

Une circulation d’énergie dans les deux sens

Aujourd’hui, recharger un véhicule électrique est un geste simple et unidirectionnel : on branche, on recharge, on débranche.

Crédit : CHUTTERSNAP

Mais avec la recharge bidirectionnelle, une nouvelle dynamique s’installe. L’énergie ne va plus seulement du réseau vers la voiture, mais peut aussi circuler de la voiture vers le réseau, le domicile ou un appareil tiers.

Techniquement, tout repose sur l’onduleur bidirectionnel, intégré soit dans la borne de recharge, soit directement dans le véhicule. Ce composant permet de convertir le courant continu (DC) de la batterie en courant alternatif (AC), prêt à être injecté dans un système domestique ou dans le réseau public.

La communication entre le véhicule et l’infrastructure est assurée via le protocole ISO 15118, et un système de gestion intelligent (EMS) pilote automatiquement les flux d’énergie selon les besoins et les plages tarifaires.

Trois usages concrets, trois fonctions complémentaires

La technologie se décline aujourd’hui en trois applications principales :

V2G (Vehicle-to-Grid) : le véhicule restitue de l’électricité au réseau électrique pour aider à gérer les pics de consommation ou intégrer les énergies renouvelables.
V2H (Vehicle-to-Home) : la batterie alimente directement une habitation, optimisant la consommation selon les horaires ou les coupures éventuelles.
V2L (Vehicle-to-Load) : la voiture devient une batterie portable, capable d’alimenter un appareil externe, via une simple prise 220 V.

Certains modèles proposent déjà cette fonctionnalité, comme la Hyundai Ioniq 5, la Kia EV6, ou la MG4, permettant par exemple de brancher un ordinateur, un outil de chantier, ou un réfrigérateur en camping.

Crédit : Michael Fousert

Une technologie encore coûteuse, mais en voie de démocratisation

L’accès à la recharge bidirectionnelle reste pour l’instant réservé à une niche.

Une borne bidirectionnelle coûte aujourd’hui entre 3 000 € et 5 000 €, hors frais d’installation. Un investissement conséquent, mais amené à baisser à mesure que la technologie se diffuse.

Plusieurs dispositifs d’aides publiques sont à l’étude pour accompagner cette transition et inciter les particuliers comme les collectivités à s’équiper.

Un réservoir d’énergie en mouvement

Le potentiel énergétique de cette technologie est considérable.

Une voiture dotée d’une batterie de 60 kWh (standard actuel) peut alimenter un foyer pendant 2 à 3 jours en cas de coupure. Si 1 million de véhicules injectaient chacun 10 kWh, cela représenterait 10 GWh mobilisables instantanément : l’équivalent de la production de plusieurs centrales électriques pendant plusieurs heures.

De quoi imaginer un avenir où les voitures, loin d’être des consommatrices passives, deviendraient des réservoirs d’énergie mobiles, participant activement à la gestion du réseau.

Quels véhicules sont compatibles avec la recharge bidirectionnelle ?

Tous les véhicules électriques ne sont pas encore capables de fournir de l’énergie à l’extérieur. Trois conditions sont nécessaires :

• Un chargeur embarqué capable de fonctionner en mode inversé ;
• Un BMS (Battery Management System) compatible avec la décharge contrôlée ;
• Un protocole de communication type ISO 15118 ou CHAdeMO (dans le cas de la Nissan Leaf).

    Plusieurs constructeurs ont déjà intégré cette technologie dans leurs modèles actuels ou à venir :

    Nissan Leaf, pionnière via CHAdeMO ;
    Kia EV6, Hyundai Ioniq 5, Volkswagen ID. Buzz ;
    Renault Scénic E-Tech (2024) ;
    • Et bientôt Tesla, avec ses nouveaux Superchargeurs V4, conçus pour le V2G.

    Crédit : Juice

    Une technologie en développement dans plusieurs régions du monde

    La France n’est pas en reste. EDF, Enedis, Renault et Stellantis pilotent plusieurs expérimentations avec le soutien des collectivités locales.

    D’autres pays avancent rapidement sur le sujet :

    Japon : pionnier avec Nissan, qui déploie ses véhicules dans des scénarios post-catastrophe ;
    Pays-Bas : expérimentation à l’échelle de quartiers entiers ;
    États-Unis (Californie) : flottes d’écoles et services publics en test ;
    Allemagne : intégration des VE dans des centrales virtuelles pilotées par les énergéticiens.

    Des acteurs technologiques en pleine croissance

    Au-delà des constructeurs, des entreprises spécialisées développent des solutions innovantes :

    Nuvve (États-Unis) : leader mondial du V2G, notamment pour les flottes ;
    Wallbox (Espagne) : sa borne résidentielle Quasar 2 permet le V2H/V2G à domicile ;
    The Mobility House (Allemagne) : pionnier de la gestion énergétique intelligente ;
    • En France, des startups comme Mobilize Power Solutions ou Ijenko se positionnent sur ce créneau.

    Vers une voiture acteur du réseau

    La recharge bidirectionnelle redéfinit la place de l’automobile dans notre quotidien.

    Ce n’est plus seulement un outil de mobilité, mais une pièce du puzzle énergétique. Elle permet de valoriser l’énergie stockée, d’optimiser l’autoconsommation, de faire face aux imprévus, et surtout, de soutenir un réseau électrique de plus en plus sollicité.

    Demain, brancher sa voiture ne signifiera plus seulement “faire le plein”. Cela pourra aussi signifier “donner au système”. Et participer, silencieusement, à l’équilibre énergétique de demain.

    publicité
    Image du carouselImage du carouselImage du carouselImage du carouselImage du carouselImage du carouselImage du carousel