Luc Julia, ingénieur en intelligence artificielle (IA), œuvre dans ce domaine depuis plus de 40 ans, dont 32 passés dans la Silicon Valley.
En tant que Chief Scientific Officer chez Renault, Luc Julia met son expertise au service de la transformation numérique de l’entreprise, en intégrant l’IA à tous les niveaux de la production et dans les véhicules. Dans cet entretien, il nous partage sa vision de l’IA dans l’automobile, son impact sur l’électromobilité, ses enjeux de sécurité et ses perspectives pour l’avenir.
« L’intelligence artificielle est un outil, ce sont nous qui tenons le manche. »
Comment l’IA transforme-t-elle Renault aujourd’hui, tant dans la production que dans les véhicules ?
Luc Julia : Chez Renault, mon rôle en tant que Chief Scientific Officer est de mettre l’IA un peu partout dans l’entreprise. Évidemment, cela touche aux voitures, avec des objectifs clairs : améliorer la sécurité, réduire les accidents, rendre les véhicules plus intuitifs et plus agréables à utiliser. Mais au-delà des voitures, nous intégrons l’IA dans les usines et dans d’autres secteurs de l’entreprise. Cela permet aux équipes, que ce soient des ouvriers ou des employés de bureau, de travailler plus efficacement en utilisant ces nouvelles technologies.
L’IA est-elle un outil fiable pour améliorer la cybersécurité, notamment dans le secteur automobile ?
Luc Julia : La cybersécurité, c’est une course. L’IA y joue un rôle clé. D’un côté, elle nous aide à détecter et corriger les erreurs, mais de l’autre, elle peut aussi être utilisée par des acteurs malveillants pour contourner nos défenses. L’important, c’est de comprendre ces outils et de ne pas tomber dans la panique. L’IA doit être utilisée avec discernement, tout comme elle peut être un atout dans la détection des menaces. C’est une course où il faut constamment être vigilant.
L’autonomie des véhicules : comment voyez-vous l’avenir des voitures autonomes ?
Luc Julia : Je pense que l’autonomie totale des véhicules (niveau 5) n’existera jamais. Selon moi, ce n’est pas réaliste. Cependant, les voitures deviennent de plus en plus autonomes dans des contextes spécifiques. Elles peuvent voir mieux que nous, freiner plus efficacement, et elles sont capables d’exécuter de nombreuses tâches mieux que l’humain dans des conditions particulières. Néanmoins, l’assistance humaine restera nécessaire, même dans un avenir où les voitures seraient en grande partie autonomes. L’autonomie partielle est une évolution positive, notamment pour renforcer la sécurité et améliorer l’expérience de conduite.

Comment voyez-vous l’évolution de l’automobile dans les 5 à 10 prochaines années ?
Luc Julia : Les voitures deviendront de plus en plus sûres, et nous serons en mesure de profiter d’un environnement plus confortable et connecté. L’une des grandes évolutions sera la possibilité de faire autre chose que de conduire, grâce à des technologies de connectivité et d’IA. Les voitures autonomes, même partiellement, ouvriront de nouvelles perspectives, et des services innovants seront proposés à bord, ce qui transformera notre manière d’interagir avec nos véhicules.
« Je ne cautionne pas l’utilisation des énergies fossiles. »
L’IA peut-elle être considérée comme un gadget ou est-elle déjà un véritable atout dans les véhicules modernes ?
Luc Julia : Il y a des technologies qui ne sont absolument pas des gadgets. Les aides à la conduite, qui existent depuis plus de 10 ans, ont prouvé qu’elles sauvent des vies. Les systèmes de divertissement, eux aussi, apportent des services précieux. Ce ne sont pas des gadgets, mais des fonctionnalités essentielles qui rendent la conduite plus agréable et plus sûre.
Que vous inspire l’idée d’harmoniser l’innovation technologique avec la sobriété numérique dans les voitures connectées ?
Luc Julia : L’une des bonnes nouvelles pour les véhicules, c’est que de nombreuses technologies se traitent en local, directement dans la voiture. Cela les rend plus sobres en termes de consommation d’énergie, car tout ne passe pas par le cloud. C’est un avantage par rapport aux systèmes qui reposent sur des serveurs distants, qui sont gourmands en énergie. Il existe aussi des opportunités pour que les voitures produisent leur propre énergie, par exemple via des panneaux solaires ou grâce au freinage, ce qui les rend encore plus autonomes et durables.
Et vous, personnellement, utilisez-vous une voiture électrique ?
Luc Julia : Oui, cela fait plus de 10 ans que je conduis des voitures électriques aux États-Unis. Ce qui me plaît particulièrement, c’est l’accélération, un véritable plaisir, même si je fais attention. Et puis, il y a l’aspect pratique de ne plus avoir à passer par la pompe à essence. Le fait de pouvoir recharger la voiture à domicile facilite vraiment la vie, notamment ici aux États-Unis où l’infrastructure est assez bien développée. Je ne retournerais pas au thermique pour ces deux raisons, de plus, je ne cautionne pas l’utilisation des énergies fossiles.