Le Japon a débuté sa transition énergétique des transports depuis déjà 20 ans. Et si leur développement est bien avancé, pour les voitures 100 % électriques, c’est plus compliqué. Les constructeurs nationaux misent sur une transition progressive : hybrides, PHEV, hydrogène et, plus timidement, BEV. Résultat : une industrie très solide, une R&D batterie avancée, mais une adoption grand public plus lente que prévu.

Une stratégie nationale claire… mais multi-voies
Le Japon affiche des objectifs ambitieux en termes d’électromobilité. En effet, la neutralité carbone doit être atteinte en 2050. Dans ce souci de bien faire, le pays a adopté un objectif de réduction des gaz à effet de serre de −60 % d’ici 2035 (par rapport à 2013) comme étape intermédiaire.
Dans le but de faire grimper le taux d’adoption des véhicules électrifiés, le gouvernement soutient la transition via différentes incitations. En effet, l’État a mis en place des subventions directes aux acheteurs de véhicules électriques. Ces aides peuvent grimper jusqu’à près de 5 200 € par véhicule, pour stimuler les ventes face aux marchés américain et européen. Ces montants visent à stimuler les ventes face à une adoption lente des VE, malgré des objectifs de 100 % de voitures particulières électrifiées d’ici mi-2030 et la neutralité carbone en 2050.
De plus, le ministère de l’Environnement japonais subventionne à 30 % (jusqu’à 100 millions de yens, soit environ 552 000 €) l’installation de panneaux solaires et de batteries par les entreprises, boostant indirectement l’électromobilité via de l’énergie verte.
En bref, le gouvernement japonais incite ses compatriotes et ses entreprises à changer l’industrie de la mobilité vers une source d’énergie plus propre, à travers des aides variées.
Électromobilité au Japon : BEV en stagnation, hybrides rois
La pénétration des voitures 100 % électriques (BEV) reste faible au Japon, autour de 3-4 % des ventes neuves en 2024 selon plusieurs observateurs, avec un recul marqué des volumes : seulement 54 224 BEV écoulés, contre 86 762 en 2023. Nissan domine ce segment peu fructueux grâce à la kei car Sakura (22 926 unités, malgré -38 %), talonnée par Tesla (environ 5 000 unités) et BYD, qui a surpris en surpassant Toyota (2 223 vs 2 038 unités pour le bZ4X à 35 000 €).

Hybrides (HEV / PHEV) : segment dominant
Les hybrides non rechargeables (HEV) et rechargeables (PHEV) sont les véhicules qui dominent le marché, notamment grâce à l’aide de son constructeur mondial Toyota. Le marché global des VE (BEV+PHEV) a chuté de 33 % à 60 000 unités en 2024, les HEV compensant largement grâce à des subventions maintenues à 850 000 yens (~5 200 €).
Le pays du soleil levant vise 100 % de ventes neuves électrifiées (BEV, PHEV) d’ici mi-2030 et la neutralité carbone en 2050, mais la conversion n’avance pas comme elle le devrait, faute d’offre BEV compétitive, de prix abordables et surtout d’infrastructures. Sans accélération, les constructeurs locaux comme Toyota risquent de céder du terrain face aux importations chinoises.

Infrastructure : déploiement en accélération, mais couverture inégale
On en parlait : le réseau de recharge japonais se développe bien, mais pas assez rapidement pour permettre aux BEV de s’exprimer au mieux. Pourtant, les opérateurs d’autoroute (NEXCO) et les utilities (TEPCO, ENEOS), qui sont des entreprises de services publics, ainsi que les municipalités multiplient les stations rapides et AC.
En décembre 2025, selon les dernières estimations, le Japon stagne à environ 30 000-31 600 bornes de recharge publiques pour VE (dont 8 200 rapides), avec un taux d’évolution quasi nul sur un an, peu supérieur à 0 %, freiné par la faible adoption des BEV et les coûts élevés. Des chiffres faibles et loin des 300 000 connecteurs visés d’ici 2030.
Parmi les bornes rapides mises en place, seulement 60 % dépassent 50 kW, et le ratio 1,7 borne/100 km (2021) reste maigre face à la Chine (35 bornes/100 km) ou la France (8,4 bornes/100 km).
La couverture reste inégale : zones rurales, parkings d’immeubles et certains quartiers résidentiels manquent encore de solutions faciles d’accès. Le Japon doit franchir une étape de capillarité pour que les BEV deviennent une option de masse.

Infrastructure : déploiement en accélération, mais couverture inégale
Constructeurs : Toyota en tête, Nissan pionnier, les autres en marche
- Toyota : champion des hybrides nationalement et internationalement. La marque adopte une stratégie prudente sur le BEV, même si l’année 2026 semble être un tournant, avec de gros investissements sur les batteries à électrolyte solide (R&D, partenariats).
- Nissan : avec son modèle Leaf, Nissan a ouvert la voie au BEV made in Japan. La marque doit maintenant accélérer face à la concurrence mondiale.
- Les autres constructeurs, influents nationalement mais aussi mondialement (Honda, Mazda, Subaru, Mitsubishi, Suzuki), optent pour des stratégies variées. En effet, certains privilégient l’hybride, tandis que d’autres accélèrent sur les BEV.
Acteurs pour la production de batteries :
Panasonic, GS Yuasa et Toshiba dominent l’historique des cellules et packs lithium-ion au Japon : Panasonic leader mondial (giga-usine Gunma 2028, objectif 150 GWh/an d’ici 2030 avec Toyota/Nissan pour 6,97 milliards $ investis), GS Yuasa (développe des batteries pour Mitsubishi, Boeing 787, 90 % des motos mondiales), Toshiba (SCiB™ charge rapide durable). Le trio bénéficie de subventions (2,4 milliards $ en 2024) pour booster la production nationale face à la Chine.

Images
Solid-state : un enjeu stratégique. Toyota et des partenaires (Idemitsu notamment) lancent des projets pilotes et des investissements pour industrialiser des électrolytes solides, potentiellement un avantage thermique et en sécurité pour les marchés chauds et exigeants. Mais la production industrielle de masse reste pour l’instant à venir.
Infrastructures & énergie :
NEXCO, TEPCO, ENEOS et des utilities régionales déploient des bornes rapides sur les autoroutes et dans les stations en ville. Les fournisseurs de bornes étrangers (ABB, Siemens) et locaux travaillent ensemble pour développer le plus grand nombre de points de charge.
Freins : pourquoi le Japon n’explose pas en BEV
- Un héritage hybride puissant : présentes depuis plus de 20 ans sur le territoire, les consommateurs connaissent et font confiance aux hybrides. En effet, ces véhicules permettent à la population d’adopter une consommation réduite sans dépendre massivement des infrastructures. Et cette préférence, les constructeurs l’ont comprise et largement capitalisée.
- Infrastructure partielle : le réseau progresse, mais la disponibilité réelle (bornes proches des résidences, parkings d’immeubles, autoroutes) reste insuffisante pour rassurer tous les acheteurs de BEV à franchir le pas.
- Coûts et chaîne d’approvisionnement : BEV + systèmes de refroidissement/batteries coûteux pèsent sur le prix des véhicules, qui sont forcément plus chers que les hybrides.
- Stratégie industrielle prudente : les grands groupes privilégient une approche multi-technologies (hybride + hydrogène + BEV) plutôt que de basculer tout de suite sur le BEV pur. Cette prudence freine la montée en volume des BEV.
Technologies à suivre : solid-state et hydrogène
Le Japon mise beaucoup sur la technologie des batteries solid-state, car elles offrent plusieurs avantages clés : elles sont moins sensibles à la chaleur, ce qui les rend plus adaptées aux climats chauds, elles ont une densité énergétique plus élevée et sont potentiellement plus sûres en raison de leur chimie plus stable. Toyota investit massivement dans cette technologie avec Idemitsu Kosan. Si ces efforts aboutissent à une production industrielle de masse d’ici la fin de la décennie, le Japon pourrait ainsi regagner un avantage industriel certain face à la concurrence mondiale dans le secteur des batteries.
Parallèlement, le pays maintient une stratégie robuste en faveur des véhicules à pile à combustible hydrogène (FCEV), positionnant cette technologie comme une solution crédible, notamment pour les véhicules lourds et les usages spécifiques où l’autonomie et la recharge sont essentielles.
Conclusion — un équilibre japonais, pas une course aveugle
La vitesse de transition est double pour le Japon : il suit une logique différente. Ici, l’électromobilité se construit par étapes, hybrides d’abord, puis BEV, avec une course technologique sur les batteries qui peut tout changer. La fin de la décennie dira si le pari du solid-state et de la montée en cadence industrielle aura transformé cette stratégie organisée et la puissance de la mobilité.
















