Expertises Publié le 04/06/2025
5 min

Bateaux électriques : quand la plaisance se fait plus douce

Silencieux et propres, les bateaux électriques représentent sans conteste l’avenir de la plaisance. Mais s’ils incarnent une nouvelle manière de naviguer, leur développement à grande échelle se heurte encore à de nombreux obstacles.

Crédit : beneteau

Selon des études menées par Data Bridge Market Research et Mordor Intelligence, le marché mondial des bateaux électriques devrait croître de 11,2 % à 12,65 % par an d’ici à la fin de la décennie. Une dynamique mondiale qui se reflète également en France, notamment à Paris, où les célèbres Vedettes ont récemment entamé leur transition énergétique. Mais malgré ces promesses, la plaisance — si l’on compare sa transition à celle de l’automobile semble encore rester à quai. L’Association Française pour le Bateau Électrique (AFBE) et AKWA Experience, qui propose la location de bateaux électriques dans la capitale, dressent pour ECO MOTORS NEWS un état des lieux du bateau électrique dans l’Hexagone, entre réalisme et optimisme.

Des bateaux encore trop coûteux et des infrastructures faméliques

« C’est une industrie de petite série, ce qui rend la transition énergétique bien plus complexe et coûteuse », explique Yannick Wileveau, président de l’AFBE. À l’instar des voitures, les bateaux électriques souffrent encore d’un surcoût important lié à la motorisation et aux batteries, auquel s’ajoute un aspect « sur mesure » qui alourdit encore un peu plus la facture.

En effet, l’un des freins majeurs à la transition énergétique de la navigation de plaisance reste le prix des bateaux électriques. Pour y répondre, l’AFBE promeut des modèles de copropriété ou d’abonnement à des clubs nautiques. « Partager un bateau permet de rentabiliser l’investissement initial, tout en réduisant le besoin en emplacements portuaires », souligne Brusset.

De quoi bousculer les habitudes des propriétaires de bateaux. Et ce n’est pas la seule chose qu’il faudra changer ! En effet, selon Christophe Brusset, secrétaire général de l’AFBE, l’enjeu n’est pas uniquement technique : « Passer à l’électrique, c’est aussi changer sa manière de naviguer. Moins de vitesse, plus de calme, et une attention particulière portée à l’environnement. » Un aspect environnemental qui concerne le « zéro émission », mais également la préservation de la faune et de la flore aquatiques.

Autre levier pour convaincre les propriétaires de bateaux de passer à l’électrique : le développement des infrastructures de recharge, encore largement insuffisantes. Et c’est un cercle vicieux, car peu de bateaux, cela signifie peu d’infrastructures, et peu d’infrastructures, cela signifie moins de bateaux. Ainsi, à l’image de ce qui a été fait pour l’automobile, qui était dans la même situation il y a quelques années, il est nécessaire, selon l’AFBE, que les collectivités locales, l’État et l’Europe, à travers des subventions et des avantages fiscaux, encouragent d’un côté l’achat de bateaux électriques, et de l’autre l’installation de bornes de recharge.

Crédit : RIva

À Paris, une expérience qui séduit

On l’a compris : le développement du bateau électrique passera par un changement de philosophie des utilisateurs. Et c’est à cette évolution des mentalités qu’AKWA Experience travaille depuis le canal de l’Ourcq, dans le 19e arrondissement de Paris. Sa flotte, composée de bateaux 100 % électriques et sans permis, connaît un grand succès. « Nos clients parlent souvent d’un moment magique, hors du temps. Ils redécouvrent Paris sous un autre angle, au cœur de la ville, mais loin de son tumulte », raconte Rodrigue Faleme, directeur général de l’entreprise.

Proposant des tarifs adaptés aux jeunes, retraités, habitants du quartier ou personnes en situation de précarité, AKWA Experience annonce la couleur : « Notre objectif est clair : démocratiser la navigation électrique et sensibiliser à la protection du patrimoine fluvial. » Ainsi, l’entreprise organise régulièrement des événements sur sa base, notamment le nettoyage du canal.

Crédit : Akwa

L’optimisme comme cap

Si l’on constate encore de nombreux obstacles à l’accélération de l’électrification de la plaisance, la dynamique est tout de même bien enclenchée. Pour preuve, l’arrivée de modèles 100 % électriques et hybrides au catalogue des grandes marques du nautisme, à l’image du Four Winns H2e de Bénéteau et du Riva El-Iseo. « Ce sont ces modèles, pensés dès la conception pour l’électrique, qui feront décoller le marché dans les années à venir », prévoit Yannick Wileveau.

En attendant, des pionniers comme AKWA Experience, mais aussi leurs concurrents à Paris ou ailleurs, tracent la voie et participent activement à changer les mentalités. D’ici à 2035, l’AFBE pense même que la plaisance électrique pourrait bien ne plus être l’exception, mais la norme. En attendant, c’est déjà un bel aperçu de ce que pourrait être une navigation silencieuse et moins polluante… et ça fait du bien !

Et la mer dans tout ça ?

Si la navigation électrique fluviale gagne du terrain, elle commence aussi à se frayer un chemin en mer. Plusieurs chantiers navals développent désormais des catamarans ou des vedettes côtières à propulsion électrique, parfois hybrides, adaptés à des sorties en mer courte distance. L’autonomie reste encore limitée par la capacité des batteries, mais des innovations comme la recharge solaire ou l’hydroélectricité offrent de nouvelles perspectives. Dans les zones littorales sensibles, comme les réserves marines, les bateaux électriques permettent de préserver les écosystèmes. En Scandinavie, des ferrys électriques se développent depuis 10 ans, notamment l’MV Ampere en Norvège, premier ferry 100 % électrique au monde, lancé en 2015.