Une nouvelle tempête secoue l’industrie automobile européenne. La société néerlandaise Nexperia, spécialisée dans les semi-conducteurs, est prise dans un conflit géopolitique entre Pékin et Washington. Cette situation menace de paralyser les chaînes de production, avec des conséquences inquiétantes pour les constructeurs et leurs fournisseurs.

L’histoire complexe de Nexperia
L’histoire de Nexperia débute en 2017, lorsque la société chinoise Jianguang Asset Management rachète l’ancienne filiale de Philips pour 2,7 milliards de dollars. En 2019, l’entreprise est cédée à Wingtech pour 3,7 milliards de dollars. Située à Nimègue, près de la frontière allemande, Nexperia fabrique des diodes et des transistors indispensables à l’industrie automobile. Bien que discrets, ces composants restent stratégiques pour le bon fonctionnement des véhicules modernes.
Pression américaine sur Nexperia
La pandémie de Covid-19 met en lumière la fragilité des chaînes d’approvisionnement, faisant des semi-conducteurs des biens stratégiques. En 2022, Londres bloque la reprise de Newport Wafer Fab par Nexperia, invoquant la sécurité nationale. En décembre 2024, Washington place Wingtech sur sa liste noire. Le message adressé aux Néerlandais est sans ambiguïté : pour maintenir la production européenne, le dirigeant chinois Zhang Xuezheng doit quitter l’entreprise. Cette exigence est confirmée par un document officiel du tribunal de La Haye en juin 2025.
La riposte de Pékin
Sous la pression américaine, les Pays-Bas activent une loi de 1952 sur la disponibilité des biens pour placer Nexperia sous tutelle. Zhang Xuezheng est écarté, provoquant la colère de Pékin, qui qualifie cette décision de « banditisme économique ». Le 14 octobre, la Chine bloque les exportations de Wingtech, une usine représentant 70 % de la capacité d’assemblage final de Nexperia. Privée de ces composants, l’entreprise suspend ses livraisons vers l’Europe, mettant en péril la production automobile sur le continent.

Une menace pour la production automobile européenne
Le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, se dit disposé à faciliter le dialogue entre les parties pour préserver la stabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Sigrid de Vries, directrice de l’Association des constructeurs automobiles européens, qualifie la situation « d’alarme ». La certification de produits alternatifs prendra plusieurs mois, risquant d’entraîner d’importants retards de production. Hildegard Müller, présidente de la Fédération automobile allemande, avertit que la crise pourrait provoquer des arrêts de production significatifs.
Les géants de l’automobile européens en tension
Volkswagen prévoit déjà des interruptions sur son site historique de Wolfsburg, ce qui affectera la production des modèles Golf et Tiguan. Selon des analystes de la Deutsche Bank, la production automobile allemande pourrait diminuer de 10 %, voire de 30 % dans le scénario le plus défavorable. Stellantis et Renault, interrogés par Le Point, assurent suivre la situation de près, en mettant en place des cellules de suivi et des contacts quotidiens avec leurs fournisseurs pour limiter l’impact. Les souvenirs de la pénurie historique de semi-conducteurs entre 2021 et 2023 restent présents, et les constructeurs espèrent éviter un nouveau chaos industriel.
Les machines-outils allemandes sous pression
Après l’automobile, l’industrie des machines-outils commence à tirer la sonnette d’alarme. Thilo Brückner, représentant de la fédération VDMA, indique à l’AFP que les équipements motorisés, allant des groupes électrogènes aux machines agricoles, pourraient rapidement souffrir d’une pénurie de composants électroniques. Le ministère allemand de l’Économie a rassemblé les principaux acteurs pour évaluer l’impact, mobilisant également la Chancellerie afin de coordonner une réponse face à ce risque croissant.

Tensions géopolitiques et blocage des flux
La situation s’envenime depuis que La Haye a appliqué une vieille loi de la Guerre froide pour reprendre le contrôle de Nexperia. L’entreprise assemble ses puces à Hambourg, puis les envoie en Chine pour traitement. Pékin interdit désormais leur réexportation vers l’Europe. Les constructeurs automobiles, premiers consommateurs des puces Nexperia, craignent des arrêts de production à court terme. Volkswagen, par exemple, ne peut exclure des interruptions dans les semaines à venir.
Conséquences potentielles et enjeux industriels
Les semi-conducteurs Nexperia représentent plus de 40 % des composants électroniques utilisés par l’industrie automobile européenne. Si le bras de fer persiste, les arrêts de production pourraient se multiplier. Volvo en Suède, Volkswagen et d’autres constructeurs en Allemagne prévoient déjà des ajustements ou du chômage technique. Les équipementiers mettent en place des dispositifs de suivi et de substitution, mais les solutions restent limitées à court terme.
Une course contre la montre
Les autorités européennes et allemandes cherchent à désamorcer le conflit. Le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, assure que la prise de contrôle de Nexperia ne vise pas la Chine, mais corrige une mauvaise gestion interne. Malgré ces assurances, Pékin maintient ses restrictions, obligeant les industriels européens à trouver rapidement des alternatives. Le secteur automobile et celui des machines-outils sont engagés dans une course contre-la-montre pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement et éviter une nouvelle crise.












