Alors que l’industrie automobile accélère sa transition vers l’électrique, Pagani choisit une stratégie à contre-courant : ralentir. Le constructeur italien ne renonce pas à l’hypercar zéro émission, mais suspend son programme le temps que la technologie, le marché et l’essence même de la marque puissent véritablement converger. Un choix rare, qui dit beaucoup.

Des rebondissements dans le processus
Depuis l’annonce de ses intentions électriques il y a presque une décennie, Pagani n’a cessé de susciter l’espoir d’une “hypercar zéro émission”. Pourtant, aujourd’hui, la firme italienne met ce projet en pause. Pas faute d’ambition, mais parce que la réalité du marché, de la technologie et la philosophie même de la marque exigent un temps de maturation. Toutefois, si certains ont pensé que Pagani abandonnait l’électrique, la marque rétorque que non. Le projet est gelé mais pas enterré. Tant que les bons ingrédients, à savoir les batteries légères, une vraie demande et un cadre réglementaire stable ne sont pas alignés, Pagani préfère soigner le V12 et attendre.
Dès 2016 – 2017, Pagani montait une équipe dédiée à un cahier des charges ambitieux : concevoir une architecture capable d’accueillir, à terme, une variante électrique… ou rester thermique. Le cahier partait d’une idée claire : ne pas sacrifier l’ADN de la marque, même en explorant l’électrique. Le partenariat avec Mercedes‑AMG, fournisseur historique du V12, a même été prolongé vers les composants électriques. (moteurs, batteries, électronique de puissance) Un horizon “hypercar électrique vers 2024” avait même été évoqué publiquement. Pendant plusieurs années, l’idée d’une Pagani 100 % électrique, voire hybride, n’a pas été un simple fantasme médiatique. Mais entre 2017 et 2022, les études internes, prototypes, simulations ont peu à peu buté contre la dure réalité du terrain. Finalement, le dossier n’a pas été abandonné… mais momentanément rangé.
Une clientèle silencieuse et un poids problématique
Dans le monde très exclusif de l’hypercar, les clients ne sont pas des masses anonymes : ce sont quelques passionnés, prêts à payer des fortunes pour un objet rare, chargé d’émotion. Et quand Pagani a proposé sur le papier une version électrique d’Utopia, la réponse a été glaçante. Aucun acheteur n’a manifesté le moindre enthousiasme. Pour un artisan comme Pagani, le message a été très clair. Lancer un modèle que même ses clients refusent, c’est prendre un risque insensé. De plus, dans un contexte où des berlines électriques hautes performances rivalisent en accélération, l’expérience vécue reste la vraie valeur ajoutée et aujourd’hui, pour la clientèle Pagani, c’est le V12 qui en est le garant.
L’une des obsessions de Pagani, et ce qui définit son ADN, c’est la légèreté. Or, les batteries, jusqu’à aujourd’hui, sont l’un des plus mauvais ennemis de la finesse : un pack assez gros pour offrir l’autonomie, la performance et la fiabilité exigées par une hypercar ferait exploser le poids d’après Pagani. L’hybride, souvent montrée comme solution intermédiaire, n’a pas convaincu non plus. Selon les ingénieurs de l’usine, ce serait un “mauvais compromis” : plusieurs centaines de kilos en plus, pour un résultat ne rendant pas hommage à l’expérience Pagani.

Un cas qui en dit long sur la transition des hypercars
La firme de San Cesario n’attend pas seulement de meilleures batteries. Elle attend un moment où une Pagani électrique pourra être autre chose qu’un exercice d’ingénierie : une sculpture roulante, une expérience sensorielle complète, un objet émotionnel aussi cohérent qu’une Zonda ou une Huayra. Tant que cette équation n’est pas résolue, proposer l’électrique reviendrait à contourner la promesse esthétique et philosophique qui fait la marque depuis plus de trente ans. Pagani veut entrer dans l’ère électrique, mais pas avec un produit opportuniste. Le constructeur vise l’alignement parfait entre technologie, désir et identité.
Le scénario Pagani ne ressemble pas à celui de tous les constructeurs. Certaines marques, notamment les “purs-joueurs” électriques, foncent tête baissée. D’autres, très attachées à la tradition thermique, comme certains acteurs de l’hypercar, observent, temporisent. La réalité, c’est que l’hypercar reste aujourd’hui un segment extraordinairement spécialisé. Ceux qui achètent ces machines ne cherchent pas forcément l’efficacité énergétique ou la transition écologique : ils recherchent le frisson, le geste mécanique. Dans ce contexte, imposer l’électrique, c’est risquer de déconcerter l’attente. Pagani l’a compris : pour l’instant, le bon luxe est celui de la patience. La marque n’a pas tourné le dos à l’avenir. Elle a simplement décidé d’attendre que son propre avenir et celui de l’électrique coïncident.

Sources : www.topgear-magazine.fr – www.sportauto.fr –

















