L’aventure promettait de révolutionner l’aviation régionale avec un avion hybride franco-français. Aujourd’hui, VoltAero, la start-up fondée par Jean Botti, joue sa survie. Placée en redressement judiciaire le 7 octobre, elle cherche désespérément deux millions d’euros pour éviter le crash. Entre promesses non tenues, investisseurs absents et désengagement brutal de son partenaire industriel ACI, le pionnier de l’aviation décarbonée vit ses heures les plus critiques.

Une étoile de l’aéronautique française en perdition
Créée en 2017 à Rochefort, VoltAero avait tout pour incarner l’avenir de l’aviation légère hybride. Son avion Cassio 330, un modèle cinq places combinant moteur électrique et carburant, devait être le premier de série produit en France. L’entreprise avait inauguré son site d’assemblage flambant neuf en novembre 2024, avec l’ambition d’y construire jusqu’à 150 appareils par an dès 2026. Le carnet de commandes était déjà plein, avec plus de 250 précommandes enregistrées. Mais la jeune entreprise s’est retrouvée brutalement en cessation de paiement fin septembre, après le redressement inattendu d’ACI Groupe, son principal investisseur industriel.
Le désengagement d’ACI, une onde de choc
Lors du Salon du Bourget en juin, VoltAero et ACI Groupe annonçaient un partenariat stratégique et la future entrée d’ACI au capital à hauteur de 10 %. Cet investissement de plus de 10 millions d’euros devait sécuriser la trésorerie de la start-up. Mais trois mois plus tard, ACI se plaçait à son tour en redressement judiciaire, gelant tous ses engagements financiers. « L’entrée au capital devait être signée à la fin du mois, ce qui nous assurait la continuité d’activité », regrette Jean Botti à La Tribune. Ce revirement a provoqué un effet domino, plongeant VoltAero dans la tourmente. « Nous sommes les victimes collatérales d’une situation ubuesque », s’indigne le fondateur.

Safran, partenaire mais pas sauveur
Pour tenter de sortir la tête de l’eau, VoltAero s’est tourné vers son partenaire Safran, dont les moteurs équipent ses avions. Mais le géant aéronautique a refusé d’investir. Sur BFM Business, son directeur général Olivier Andriès s’est dit « touché » par la situation, tout en rappelant que Safran n’était « pas un investisseur, mais un partenaire industriel ». Une position qui laisse un goût amer à Jean Botti. « C’est nous qui avons aidé Safran à développer son moteur électrique en 2021 », souligne-t-il, dénonçant un manque de solidarité dans l’industrie française.
Des soutiens publics, mais un vide privé
Malgré la frilosité du capital-risque, VoltAero n’a pas manqué de soutiens institutionnels. L’État a investi 5,6 millions d’euros via le plan France 2030, et la Région Nouvelle-Aquitaine a mobilisé plus de 10 millions d’euros, dont la moitié en subventions. Ces aides ont permis de financer la recherche et l’industrialisation du Cassio 330. Mais elles ne suffisent pas à combler le trou de trésorerie causé par le désengagement d’ACI. Jean Botti pointe un problème plus large : « En France, les investisseurs privés préfèrent miser sur l’intelligence artificielle, qui demande moins de capital et offre des retours plus rapides. »

Un avion prêt à voler, une technologie déjà validée
Le Cassio 330 n’est pas un simple concept. L’avion vole depuis 2020 et a parcouru plus de 25 000 kilomètres en essais. Sa technologie hybride est brevetée, et les premiers résultats ont séduit le public au Salon du Bourget. VoltAero prévoyait également d’ouvrir des lignes d’assemblage en Malaisie et aux États-Unis. Le distributeur américain Altisky devait commercialiser le Cassio et participer à la construction d’un site dans le Tennessee. En parallèle, un accord signé avec SEDC Energy, entité publique du Sarawak en Malaisie, prévoyait un second site de production asiatique.
Un mois pour éviter le crash
Aujourd’hui, le fondateur se bat contre-la-montre. Le redressement judiciaire ouvre une période d’observation de six mois, mais Jean Botti estime n’avoir qu’un mois pour trouver une solution. Sa priorité : convaincre SEDC Energy d’augmenter sa participation pour compenser le retrait d’ACI. D’autres investisseurs sont également sollicités. « Les dessins sont faits, il n’y a plus qu’à lancer la fabrication. », insiste-t-il.

Une bataille symbolique pour l’industrie française
Au-delà du cas VoltAero, c’est toute la filière aéronautique décarbonée française qui tremble. L’entreprise symbolisait une innovation locale capable de rivaliser à l’international. Son échec serait celui d’une industrie encore dépendante des grands groupes et des arbitrages financiers. « Il y a ceux qui volent et les projets… J’ai un avion qui vole », lance Jean Botti, déterminé à sauver son projet. VoltAero présentera un plan de rebond d’ici à la fin octobre. L’issue dira si l’aviation hybride française peut encore décoller, ou si ses ailes se briseront sur le tarmac du désengagement industriel.